Au moment où le Festival de Cannes bat son plein, laissons de côté paillettes et salles obscures pour nous pencher sur le droit à l’image, forcément d’actualité chaque soir lors de la montée des marches, sous le crépitement des flashes.
Chaque individu dispose d’un droit personnel sur son image qui est l’un des attributs de sa personnalité, ce qui signifie donc qu’il est possible d’en interdire la diffusion sans son autorisation préalable, que l’on soit célèbre ou anonyme.
Ce droit à l’image ne trouve pas de fondement juridique propre, mais se rattache à l’article 9 du code civil. Par ailleurs la jurisprudence de la Cour de Cassation a, dès 1977, posé les bases de ce droit personnel en indiquant que « toute personne peut interdire la reproduction de ces traits » et protège depuis, de façon constante le droit à l’image en se référant toujours à l’article 9 du Code Civil et en affirmant par exemple que « toute personne a sur son image et l’utilisation qui en est faite un droit exclusif et peut s’opposer à sa diffusion sans son autorisation » (CA. Paris, 1re ch., 23 mai 95).
Or, la violation du droit à l’image est de plus en plus souvent un sujet d’actualité à l’heure de l’explosion des réseaux sociaux sur lesquels le détournement de l’image d’une personne à son insu n’a jamais été aussi facile.
Les conditions requises pour que l’atteinte à l’image d’une personne soit constituée sont les suivantes :
- Il faut que la personne soit identifiable et reconnaissable sur la publication. A défaut d’identification, il ne pourra bien sûr pas y avoir d’atteinte au droit à l’image ;
- Il faut une utilisation publique de cette image. Si elle n’est pas diffusée, il ne sera en effet pas possible d’invoquer le droit à l’image ;
- Il faut bien sûr une absence de consentement de la personne apparaissant sur l’image.
Le consentement doit être explicite, écrit et suffisamment précis quant aux conditions d’exploitation de l’usage (durée, supports). En ce qui concerne les personnes mineures, le consentement des parents est requis.
Il n’est pas possible de se rétracter une fois le consentement donné, mais il existe des recours si l’utilisation de son image est abusive ou détournée.
Il n’est parfois pas possible de s’opposer à l’utilisation de l’image d’une personne sans son autorisation.
Tout d’abord, étant donné qu’il faut une utilisation publique pour que cela puisse constituer une atteinte, l’usage dans un cercle restreint de personne n’est pas constitutif d’une atteinte au droit à l’image.
Par ailleurs, l’usage de l’image à titre d’information peut, dans certaines conditions, être possible. Dans ce cas, il faut que l’utilisation de l’image de la personne représentée le soit pour les besoins de l’actualité, et que l’image soit directement liée à l’événement. Le droit à l’information ne pourra pas être invoqué s’il y a atteinte au respect de la vie privée ou si l’image est utilisée à des fins commerciales ou publicitaires par exemple.
Enfin, les droits de la personnalité ne sont pas transmissibles, ainsi, les héritiers d’une personne décédée ne pourront s’opposer à l’utilisation de son image en se fondant sur le droit à l’image de la personne défunte. C’est ce qui a été très récemment jugé dans une affaire dite « l’affaire de la victime du Bataclan » dans laquelle les juges ont refusé de poursuivre l’éditeur d’un journal qui avait diffusé une photo d’une victime du Bataclan, au motif que seul le défunt pouvait engager une poursuite pour une telle atteinte. Cependant, il existe des poursuites civiles se fondant sur l’atteinte à la dignité qui permettent à la famille d’obtenir des dommages et intérêts pour une personne décédée.
Quels sont les recours en cas d’utilisation non autorisée de son image ?
Lorsqu’il est porté atteinte à l’image d’une personne, cette dernière peut saisir le juge civil ou le juge pénal.
Le juge pourra décider de faire cesser l’atteinte, les images représentant la personne cesseront alors d’être diffusées. Il pourra également demander le versement de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l’utilisation des images sans autorisation.
A titre d’exemple, la première chambre civile de la Cour de cassation a jugé il y a quelques années que la diffusion d’une vidéo montant un contrôleur des impôts procédant à un contrôle fiscal, sans son consentement constituait une atteinte au droit à l’image.
La CNIL permet également aux victimes d’utilisation de leur image sans leur consentement d’effectuer un signalement en déposant une plainte sur son site. Enfin, lorsque son image est utilisée sur Internet, la question s’est posée de savoir si les hébergeurs pouvaient être responsables. Or, en vertu de la Loi pour la confiance dans l’économie numérique du 21 juin 2004, les hébergeurs ne sont pas responsables des images stockées sur leurs sites s’ils n’ont pas connaissance de leur caractère illicite.
Notons en conclusion que le droit à l’image est également un enjeu crucial économique et financier depuis l’avènement d’internet et plus particulièrement des réseaux sociaux. On parle en effet régulièrement, par abus de langage, de personnes « prêtant » leur image alors qu’il n’a pourtant jamais été autant question de monétisation de son image. Le droit à l’image est donc un enjeu patrimonial, avant d’être un attribut de la personnalité, pour les personnes dont c’est le métier à part entière d’être associées à des produits et rémunérées pour « prêter » leur image à des fins commerciales.