Il n’est pas si rare de conseiller des chefs d’entreprises mariés sous le régime de la participation aux acquêts. Que ce régime ait été aménagé avec une clause d’exclusion des biens professionnels ou pas, les dernières jurisprudences et l’absence de clarification du législateur avaient détourné les chefs d’entreprises de ce régime qui présente pourtant de grands atouts.
Nul doute que la récente loi du 31 mai 2024 va donner un regain d’’intérêt à ce régime puisqu’elle permet aux époux de décider par convention de maintenir des avantages matrimoniaux dont l’effet ne se verra qu’à la dissolution.
Le mécanisme du régime
Plébiscité par l’Allemagne et la Suède, le régime de la participation aux acquêts a rencontré très peu de succès en France mais il a pu, à une certaine période, être recommandé par la pratique notariale.
En effet, avant l’apparition de plusieurs jurisprudences de la Cour de cassation, ce régime était perçu à tort, comme un excellent compromis pour les entrepreneurs puisqu’il leur était présenté schématiquement comme alliant le meilleur des deux mondes :
Pendant le mariage
Il fonctionne comme une séparation de biens : tous les biens existants au jour du mariage et tous ceux acquis au cours de celui-ci restent la propriété exclusive de leur titulaire. Il n’existe alors pas de masse commune entre époux. Corrélativement, il y a séparation des dettes, chaque époux étant seul chargé du passif personnel antérieur ou postérieur au mariage.
A la dissolution du mariage
Il fonctionnerait comme une communauté légale. Or, ce n’est pas ce que prévoit le Code civil qui dispose, sauf convention contraire, que « chacun des époux a le droit de participer pour moitié en valeur aux acquêts nets constatés dans le patrimoine de l’autre, et mesurés par la double estimation du patrimoine originaire et du patrimoine final » .
Autrement dit, il convient en premier lieu de déterminer la consistance du patrimoine originaire de chaque époux, pour ensuite le comparer au patrimoine final. Ce sera la différence entre les deux qui permettra de connaître l’enrichissement de chaque époux et en conséquence la dette dont l’un est tenu à l’égard de l’autre.
Ce régime séduit donc les entrepreneurs grâce à son fonctionnement très “moderne” : chaque époux garde son patrimoine et le gère de façon très indépendante, mais l’enrichissement profite aux deux. Dans la pratique il est très ardu de calculer cet enrichissement et de dédommager le conjoint qui a valorisé son patrimoine.
Si on comprend aisément comment valoriser chacun des patrimoines à l’origine, cela devient beaucoup plus complexe à la date du divorce ou du décès, surtout si l’autre conjoint a participé ou contribué à un instant de raison à l’enrichissement de l’autre (ou estime l’avoir fait).
Nos convictions
- Depuis la récente loi sur la justice patrimoniale, les chefs d’entreprise doivent à nouveau envisager ce régime matrimonial. Ce régime traduit une forme d’équité et le coût en cas de divorce peut être limité. Il convient toutefois de formaliser explicitement :
- L’exclusion des biens professionnels du calcul de la créance de participation ;
- L’absence de révocation de plein droit de cette clause en cas de divorce.
Anne-Sophie IMBERT
Ingénieure Patrimoniale
anne-sophie.imbert@cyrusconseil.fr