Bienvenue sur ce nouvel épisode de notre podcast « Dans l’oreillette », un format exclusivement dédié à la Gestion Privée et Gestion de fortune. Aujourd’hui, retrouvez Lionel Ducrozant, Responsable Développement chez Eternam, pour aborder le remploi de la plus-value de cession.
Animateur : Pour débuter Lionel, peux-tu nous en dire un peu plus sur la plus-value réalisée par le cédant d'entreprise ?
Lionel Ducrozant : Oui, la vente d’une entreprise peut générer une plus-value très élevée, évidemment imposable. Et pour atténuer sa fiscalité, l’Administration fiscale prévoit des modalités de mise en sursis de son imposition, pour une partie des titres qui serait apportée à une holding à l’IS préalablement à la cession.
Peux-tu nous donner les principales conditions à respecter pour profiter de cette disposition ?
L.D. : Oui tout à fait. C’est l’article 150-0 B ter du CGI qui prévoit que l’imposition de la plus-value réalisée dans le cadre d’un apport de titres à une société soumise à l’IS est reportée :
Si cette société cède les titres qu’elle s’est vu apporter dans un délai de 3 ans et prend l’engagement de réinvestir le produit de leur cession, dans un délai de 2 ans et à hauteur de 60 % minimum, dans une activité économique, alors le report d’imposition est maintenu. Le chef d’entreprise qui a préparé sa vente dans le cadre de ces dispositions a donc souvent déjà apporté les titres de sa société d’exploitation à sa holding à l’IS, et les a vendus à un repreneur dans les 3 ans. Il dispose alors de 2 ans pour réinvestir au moins 60 % du produit de sa cession dans des actifs éligibles.
Je suis cédant d’entreprise et je souhaite réinvestir, où puis-je le faire pour être sûr de profiter de ce dispositif ?
L.D. : Alors pour bénéficier du sursis, la condition principale est de remployer une partie du prix de cession dans une nouvelle activité « économique », donc de reprendre du risque entrepreneurial.
L’ex-dirigeant peut bien sûr recréer une nouvelle activité, ou prendre une ou des participations au capital d’entreprises. Dans ces cas-là, de nombreuses contraintes réglementaires doivent être respectées, et la gestion de son propre patrimoine mobilier ou immobilier reste interdite : l’activité de location meublée, par exemple, même « professionnelle » au sens fiscal, est considérée par l’Administration comme la gestion de son propre patrimoine immobilier, elle est donc exclue des 60 %.
En revanche, les activités de promotion immobilière sont éligibles parce que commerciales… mais elles demeurent souvent risquées, surtout pour des non-initiés.
Et il est vrai qu’en cas de cession d’entreprise, la plus-value représente le fruit d’une vie de travail : donc il n’est pas question d’en jouer les deux-tiers au poker sous prétexte d’économiser de l’impôt ! Or, le principe de remploi dans une activité économique comporte évidemment un risque de perte.
D’après toi comment peut-on réduire ou limiter justement ce risque ?
L.D. : La première réponse consiste à intégrer une part d’immobilier dans le remploi.
Parce que cette partie de l’investissement est plus résiliente, moins susceptible de variations fortes, qu’une pure activité économique. Et plusieurs activités, justement, sont indissociables de leur immobilier :
- L’hôtellerie répond parfaitement à cette option : en effet, un hôtel comporte à la fois un fonds de commerce et des murs. La détention des murs abaisse le risque de perte en capital.
- La vigne et la forêt sont d’autres réponses possibles : la valeur des parcelles foncières est, en général, élevée au regard de la valeur de l’exploitation viticole ou forestière : ici encore, elle réduit le risque de perte en capital.
Finalement, le choix de ces actifs tangibles que sont les immeubles ou les terres est rassurant, sécurisant. C’est pour cela qu’il est généralement privilégié par les chefs d’entreprise soucieux de limiter leur risque.
Hôtellerie, forêts, vignes... Y a-t-il d’autres solutions pour abaisser son risque ?
L.D. : Oui, la deuxième réponse, c’est la diversification : investir non pas dans une seule activité mais dans plusieurs, et notamment à travers des fonds de capital-risque.
Cette possibilité a été donnée par le législateur il y a quelques années et les fonds « éligibles au remploi » se sont donc multipliés. Ces fonds contribuent d’ailleurs au développement du secteur du « private equity » en France. Ce sont des solutions qui permettent d’investir dans des portefeuilles, soit hôteliers, soit forestiers, soit de participations dans des PME en croissance et autres start-ups ! Les perspectives de performance sont souvent élevées, plus elles le sont, plus le risque est élevé.
J’ai réinvesti, que se passe-t-il après ?
L.D. : Lors de la liquidation des fonds de capital-investissement (au moins 5 ans après la souscription), ou de la cession des activités objets du remploi, le report de fiscalité perdure : c’est-à-dire qu’il n’y a pas d’impôt de plus-value à payer !
L’impôt ne sera dû qu’en cas de réduction de capital de la holding ou de cession à titre onéreux des actions de la holding. La transmission à titre gratuit exonérera définitivement le donateur et la plupart du temps, également le donataire dans certaines conditions, notamment de délais.
Aurais-tu un dernier conseil à donner à nos auditeurs ?
L.D. : Oui, attention aux 24 mois qui passent vite, la recherche d’opportunités d’investissement doit démarrer très tôt, immédiatement après la cession. Il est crucial de saisir les opportunités au fur et à mesure qu’elles se présentent pour diversifier et ne pas être contraint, à quelques mois de l’échéance, de tout investir sur une unique solution.
Lionel DUCROZANT
Responsable Développement, Eternam
lducrozant@eternam.fr