Le chef d’entreprise connaît une situation patrimoniale exceptionnelle qui, en cas de divorce, peut déstabiliser non seulement son équilibre personnel mais également la préservation de son outil professionnel et les éléments liés.
Cette situation peut prendre plus ou moins d’ampleur selon son régime matrimonial. Il faut dès à présent avoir à l’esprit la distinction entre le titre et la finance. Par exemple, lorsque je constitue une société dans un régime de communauté, même si je suis seul associé, mon conjoint a droit à la moitié en valeur de la société. Il convient d’analyser dès le départ sa situation matrimoniale pour éviter les pièges de l’impréparation.
Les conséquences sur les avantages matrimoniaux
Pour rappel, le divorce n’a pas d’incidence sur les avantages matrimoniaux prenant effet au cours du mariage, comme les apports de biens propres à un régime de communauté. En revanche, le divorce annule les avantages matrimoniaux prenant effet à la dissolution du mariage. Pour ces derniers avantages, l’époux les ayant consentis peut cependant expressément maintenir leurs effets. Cette volonté doit être constatée au moment du divorce, mais elle peut également être manifestée dès le contrat de mariage. Les avantages matrimoniaux prenant effet à la dissolution du mariage sont par exemple une clause de préciput, ou de partage inégal de la communauté.
Il est donc essentiel de prévoir dès l’établissement de son contrat de mariage, les avantages matrimoniaux que l’on souhaite ou non annuler en cas de dissolution. Il est tout à fait possible de distinguer des résultats différents selon le type de dissolution : par divorce, ou décès.
Les conséquences du divorce sur les libéralités
D’autre part, le divorce a des effets sur les dons consentis pendant le mariage. Toutes les donations de biens présents sont irrévocables depuis le 1er janvier 2005. Les donations rémunératoires, qui récompensent des services rendus au donateur par le donataire, échappent aux règles des libéralités. Elles peuvent correspondre par exemple à la rémunération d’un service rendu par un époux et qui est supérieur à la simple contribution aux charges du mariage. Ainsi, le fait d’avoir mis sa carrière professionnelle entre parenthèses ou d’avoir collaboré avec son conjoint peut amener les juges à une telle analyse.
Seules les dispositions pour cause de mort sont annulées, sauf volonté contraire de l’époux. Une attention particulière est à porter à l’usufruit successif accordé au conjoint lors d’une donation en nue-propriété. Il est possible de le révoquer à tout moment, mais il sera dès lors impossible de protéger le nouveau conjoint avec la constitution d’un autre usufruit successif sur ce même bien !
La donation au dernier vivant quant à elle, reste librement révocable s’agissant d’une disposition testamentaire. Il est donc recommandé de ne pas l’inscrire dans le régime matrimonial afin de conserver cette liberté à tout moment.
Les conséquences fiscales du divorce
Depuis 2011, le divorce et la séparation de corps mettent fin à l’imposition commune des époux à l’impôt sur le revenu, et ce à partir du 1er janvier de l’année où le juge a autorisé le couple à avoir des résidences séparées. En pratique, l’imposition distincte commence :
- L’année du divorce pour un divorce par consentement mutuel.
- L’année de l’ordonnance de non-conciliation pour un divorce contentieux.
Après le divorce, les époux restent responsables des impôts dus avant leur séparation. Il est néanmoins possible de demander une décharge de responsabilité solidaire spécifique, notamment en cas de déséquilibre important entre les revenus des conjoints.
La paix ne réside-t-elle pas dans l’anticipation ?
Même si envisager le divorce n’est pas aisée lors de la rédaction du contrat du mariage, cette anticipation permet d’écarter grand nombre de conflits qui pourrait survenir. Au-delà même du choix de son régime matrimonial, quelques recommandations sont à étudier en ce sens.
Les avantages matrimoniaux peuvent être prévus uniquement en cas de décès, et non de divorce. Ils peuvent même être limités à ceux dont le mariage n’était pas en procédure de divorce ou de séparation à leur décès.
La clause de reprise d’apport en cas de divorce, souvent appelées « clause alsacienne » offre la possibilité à l’époux de récupérer la jouissance de biens propres ou personnels lors de la liquidation du régime matrimonial.
Par exemple :
Prenons l’exemple d’un couple marié en séparation de bien. Ce régime est particulièrement adapté aux chefs d’entreprise, car il permet une séparation des patrimoines pendant le mariage. Cependant, au fil du temps, on peut envisager de protéger son conjoint en introduisant un avantage matrimonial : une société d’acquêt. Le principe est simple : on désigne des biens de son patrimoine pour les mettre en commun, créant ainsi un régime personnalisé. On peut prévoir dès sa création les conditions de sa liquidation : en cas de divorce, reprendre l’intégralité des biens inscrits, ou en cas de décès, les garantir définitivement à son conjoint !
L’époux, par ces outils, peut donc parfaitement à la fois protéger de manière la plus totale son conjoint en cas de décès, tout en préservant ses intérêts personnels en cas de divorce. Ils sont d’autant plus adaptés lorsque le patrimoine du chef d’entreprise est composé en grande majorité de son outil professionnel. Il peut ainsi envisager plus sereinement la protection de sa famille.