Anticiper la disparition brutale du chef d’entreprise

Anticiper la disparition brutale du chef d’entreprise

Le décès du dirigeant provoque une période à haut risque pour l’entreprise. À l’éventuelle désorganisation interne peuvent s’ajouter des problèmes de gouvernance et des difficultés pour les héritiers à payer les droits de succession. Prévenir les effets d’un tel évènement s’avère essentiel pour la pérennité de la société.

Conséquences du décès du dirigeant

La vacance de la direction suite au décès du dirigeant unique va avoir des effets délétères immédiats : compte bancaire bloqué, absence de représentant de la société… La nomination en assemblée d’un nouveau dirigeant doit intervenir sous les plus brefs délais.

Pour les héritiers, le décès constitue bien évidemment un choc personnel. Dans ce contexte humainement délicat, ils devront faire face aux aspects concrets de la succession. Ainsi, les droits de succession, souvent élevés, sont payables dans les 6 mois. À titre d’illustration, un chef d’entreprise divorcé laissant comme seul héritage une société de 3 000 000 € à ses deux enfants implique le paiement de 800 000 € d’impôts. Un paiement différé ou fractionné est possible mais n’est accordé que sous conditions et génère des coûts (frais de garantie et taux d’intérêt). Disposer de liquidités est donc essentiel pour les héritiers. Or, la société constitue couramment l’actif prépondérant du patrimoine de l’entrepreneur, et les disponibilités au sein de la succession sont souvent insuffisantes.

Deux alternatives, chacune préjudiciable, sont possibles :

  • Distribuer les liquidités de la société au moment où celle-ci en a le plus besoin
  • Céder la société dans la précipitation, au risque de la vendre à vil prix

Les héritiers, évoluant souvent dans un environnement éloigné du monde des affaires, devront prendre des décisions importantes pour l’avenir de la société sans avoir les compétences requises, ni l’accompagnement adapté.

Les solutions pour limiter les conséquences du décès

Afin d’atténuer les effets d’une disparition, des dispositions simples et peu coûteuses sont à mettre en place.

Le pacte Dutreil

Le pacte Dutreil offre une exonération de droits de succession de 75% de la valeur des titres. En théorie, sa mise en place peut être effectuée post mortem. En pratique, cela est rarement possible, un héritier devant alors assurer la direction effective de l’entreprise. Il est donc utile que le dirigeant établisse de son vivant un pacte Dutreil avec un tiers susceptible de prendre la direction en cas de décès. Dans notre exemple cela ramènerait les droits de succession à 200 000 € versus 800 000 €.

L’assurance prévoyance

Le président de SAS ou SA bénéficie des mêmes garanties de prévoyance groupe que ses salariés. Le bénéficiaire du capital décès est, par défaut, le conjoint survivant. La modification de la clause bénéficiaire au profit des enfants permettra que ces derniers perçoivent un capital pour payer les droits. Si nécessaire, les garanties seront à compléter par une assurance décès individuelle. A titre d’illustration, un dirigeant de 50 ans, non-fumeur et sans problème de santé, peut souscrire une assurance garantissant un capital décès de 800 000 € pour environ 230 € par mois. La société peut également souscrire une assurance homme-clef afin de percevoir un capital au décès du dirigeant.

Le pacte d’associés et assurance croisée

En présence de plusieurs associés, un pacte peut prévoir qu’en cas de décès de l’un d’eux, les autres auront l’obligation d’acquérir ses titres. Pour en assurer l’effectivité, les associés survivants devront être bénéficiaires d’une assurance-décès croisée leur permettant de percevoir le capital nécessaire au rachat des titres de l’associé décédé. Ce dispositif évite l’immixtion au capital d’héritiers non désirés et permet à ces derniers de sortir de la société dans de bonnes conditions.

L’adaptation des statuts

Selon la forme sociale, une gérance successive peut être prévue dans les statuts afin qu’un nouveau gérant entre en fonction dès le décès du dirigeant. Par ailleurs, si le chef d’entreprise veut que le contrôle revienne à son conjoint usufruitier plutôt qu’à ses enfants nus-propriétaires, le droit de vote en assemblée peut être statutairement réservé à l’usufruitier.

Le testament

Les enfants héritiers mineurs seront représentés par le parent survivant. Cette situation, peu adaptée après un divorce ou si le survivant n’a pas de compétence en matière de gestion, peut être évitée grâce à la désignation testamentaire d’un proche comme tiers administrateur. Ce dernier aura, jusqu’à la majorité des enfants, les pouvoirs définis au testament pouvant inclure la vente des titres sans recours au juge.

Le mandat à effet posthume

Le chef d’entreprise va désigner de son vivant un homme de confiance comme mandataire. Au décès, ce dernier va représenter les héritiers, même majeurs, pour effectuer des actes d’administration et notamment voter en assemblée.

Nos convictions

  • Ne rien faire est comme souvent une mauvaise stratégie
  • Plusieurs solutions existent dont certaines sont très peu coûteuses
  • L’ensemble des conséquences du décès du chef d’entreprise doit être anticipé avec des dispositifs juridiques fiscaux ou des assurances spécifiques
  • Des statuts adaptés et des outils juridiques simples (mandat à effet posthume, testament) créent un environnement propice à la pérennité de la société
  • Le chef d’entreprise doit rassembler ses conseils afin de travailler ensemble autour de thématiques communes

Florianne Moussigné

Ingénieure Patrimoniale Associée
florianne.moussigne@cyrusconseil.fr