Bienvenue sur ce nouvel épisode de notre podcast « Dans l’oreillette », un format exclusivement dédié à la Gestion Privée et Gestion de Fortune. Aujourd’hui nous retrouvons Sophie Nouy, Directrice du Pôle d’Expertise Patrimoniale chez Cyrus, pour aborder les patrimoines professionnel et personnel du dirigeant d’entreprise.
Animateur : Pour commencer Sophie, j’aimerais parler un peu de cette frontière entre actifs professionnels et biens personnels, est-ce que tu peux nous en dire un peu plus ?
Sophie Nouy : Oui tout à fait, les dirigeants actionnaires ont en général un patrimoine dans lequel la frontière entre actifs professionnels et biens personnels est assez ténue, et c’est totalement normal : c’est l’entreprise qui permet à la famille de s’enrichir et c’est le fait d’être une entreprise familiale qui assure une forme de pérennité à l’entreprise.
Revenus, investissements, gouvernance… tout est lié ! De la création à la cession ou la transmission de son entreprise, il faut choisir sa stratégie pour limiter le frottement fiscal et optimiser l’enrichissement de la famille et/ou le développement de l’entreprise.
Je souhaiterais revenir sur la stratégie de distribution de dividendes, d’après toi quelle stratégie pour que la famille profite des bons résultats de l’entreprise ?
S.N. : Alors, si les statuts le permettent, il est possible de piloter les versements des dividendes de façon assez fine. Il est notamment possible, sous certaines conditions, de flécher une distribution de réserves ou de résultat exceptionnel aux enfants nus-propriétaires sans être obligé de gratifier les parents pour qu’ils donnent à leurs enfants.
Une alternative peut aussi être la stratégie de réduction de capital : depuis que le revenu dégagé par cette opération est taxé comme les dividendes (PFU de 30 %, prélèvements sociaux inclus), elle est moins plébiscitée. Elle permet toutefois, dans certains cas, de taxer une assiette moins importante. C’est le cas notamment après une donation : les bénéficiaires ont en général reçu les titres avec un prix de revient non nul, s’ils décident de vendre une partie de leurs actions à la société qui les annule, seule une fraction de la valeur des titres est un revenu taxable.
Et aurais-tu un outil méconnu à nous conseiller ?
S.N. : Oui, l’épargne salariale, qui est devenue depuis l’entrée en application de la Loi PACTE, un outil incontournable. On peut notamment optimiser la rémunération du dirigeant dans les entreprises familiales ou les holdings. Il est possible d’en bénéficier dès que l’entreprise emploie au moins un salarié.
Si l’entreprise cumule l’abondement, la participation et l’intéressement, les primes seront plus conséquentes.
Elle profite également de la déductibilité des versements sur son bénéfice imposable et de la suppression éventuelle du forfait social, si elle compte moins de 50 salariés. C’est donc une stratégie intéressante pour sourcer chaque année des revenus défiscalisés.
D’après toi quelles sont les clés pour organiser son immobilier professionnel ?
S.N. : L’organisation de l’immobilier professionnel c’est l’occasion de développer un patrimoine immobilier familial.
Donc il est assez pertinent d’envisager une acquisition par une société civile distincte de l’entreprise, détenue par les membres de la famille.
C’est un investissement dont les conditions sont maîtrisées : le locataire est l’entreprise, l’acquisition se fait en général pour partie à crédit ou via un crédit-bail. L’enrichissement, lui, est assez mécanique : à chaque fois que l’entreprise paie son loyer, la dette est un peu remboursée et la valeur des parts de la société civile est un peu plus élevée.
Et pour l’entreprise aussi c’est finalement assez pertinent : en cas d’acquisition en direct, les intérêts d’emprunts sont déductibles, ainsi que l’amortissement. Mais une fois le bien amorti, l’occupation gratuite ne permet pas de déduire de charge et de diminuer son IS.
Qu’en est-il pour l’acquisition par une société externe ?
S.N. : Alors à contrario, une acquisition par une société civile en dehors du bilan de l’entreprise lui permet de bénéficier d’une charge de loyer sans limite de temps, et donc de réduire son résultat taxable à l’IS.
Cela dit, l’acquisition des locaux en dehors du bilan de l’entreprise ne va pas de soi et il y a des cas où il peut être pertinent de conserver l’immobilier dans la structure, ou de le reloger dans le groupe.
Et dans quels cas est-ce pertinent de conserver cet immobilier dans la société ?
S.N. : D’abord, si une donation de l’entreprise est envisagée, elle se fait en général dans le cadre d’un pacte Dutreil qui permet de limiter le coût des droits grâce à un abattement de 75% sur la valeur des titres. Si l’entreprise détient son immobilier, elle bénéficie de cet avantage. Tandis que si les locaux sont détenus à l’extérieur du groupe, il faudra envisager une autre stratégie de transmission, plus complexe et coûteuse.
Autre exemple, si l’organigramme du groupe comporte une holding animatrice, la réalité de prestations immobilières par cette holding envers ses filiales peut aider à renforcer son caractère animateur.
Enfin, si l’entreprise a besoin de liquidités pour réaliser une opération d’investissement, de croissance externe ou pour sortir un actionnaire, la présence d’un actif de qualité à son bilan lui permet de réaliser une opération de lease-back dans des conditions d’autant plus intéressantes que les perspectives d’inflation vont rendre l’accès au crédit plus délicat.
En dernier point j’aimerais aborder la retraite du dirigeant d’entreprise. D’après toi quels sont les compléments de revenus envisageables ?
S.N. : L’entreprise est en général la source principale de revenus du dirigeant et elle va lui permettre de se préparer des revenus complémentaires à la retraite. S’il envisage de vendre l’entreprise, la solution est assez simple : le capital obtenu suite à la cession, placé dans de bonnes conditions, lui permettra de se constituer des revenus complémentaires.
Si l’entreprise reste dans la famille, il n’est pas rare pour le retraité de conserver une fonction de direction, et/ou des parts pour bénéficier d’une rémunération, de jetons de présence et/ou de dividendes.
En amont il n’est pas inutile de profiter des plans d’épargne retraite qui permettent de réaliser des versements avec en général un cadre fiscal favorable.
Peux-tu nous en dire un peu plus sur le PER, quelles sont les conditions de souscription, son fonctionnement pour le dirigeant d’entreprise ?
S.N. : Oui, il est possible d’y adhérer de façon individuelle, on parle du PER Individuel. Travailleur Non Salarié (TNS), profession libérale ou chef d’entreprise peuvent en profiter. Les versements volontaires seront déductibles du bénéfice imposable.
Les dirigeants assimilés salariés peuvent aussi souscrire à un PER Entreprise via la personne morale. Une déduction des cotisations obligatoires du résultat imposable ainsi qu’une exonération de charges sociales dans la limite du plafond en vigueur s’appliqueront.
Sophie NOUY
Directrice du Pôle d'Expertise Patrimoniale, Cyrus Conseil
sophie.nouy@cyrusconseil.fr