Il est possible d’encourager une fondation tout en réduisant la pression fiscale et en favorisant un héritier. Le legs net de frais et de droits, sous certaines conditions, se révèle efficace dans le cadre d’une succession.
Dans certains cas, il est plus intéressant d’instituer une fondation reconnue d’utilité publique, alors même que le testateur n’avait initialement envers elle aucune intention libérale, pour réduire la pression fiscale et augmenter, sous certaines conditions, la part de ses héritiers. Le legs net de frais et droits a connu un regain d’intérêt grâce à la loi TEPA. En effet, ce mécanisme trouve toute son efficacité dans le cadre d’une transmission successorale exonérée de droits de mutation par décès.
LE CADRE JURIDIQUE ET FISCAL DU LEGS NET DE FRAIS ET DROITS
Le legs est une disposition testamentaire qui permet au testateur de gratifier un légataire. Cette disposition est éventuellement assortie de charges et de conditions. Le legs assorti d’une charge fiscale entraîne pour le légataire des obligations précises.
- Les principes juridiques
Aux termes de l’article 1016 du Code civil, les frais de la demande de délivrance de legs sont à la charge de la succession sans que cela risque de porter atteinte à la réserve légale. Le légataire doit supporter les droits d’enregistrement. Le tout, si le testateur n’a pas disposé autrement. A la lecture de ce texte, il convient d’abord de faire la distinction entre ce qui est représentatif des frais, et ce qui correspond aux droits de mutation par décès. Ensuite, il est permis au testateur de libérer le légataire de ces charges ou d’en aménager le règlement.
- Les principes fiscaux
Cette clause (« net de frais et charges ») n’est pas opposable à l’administration fiscale, aux yeux de laquelle le légataire reste le redevable. Par conséquent, il doit déposer une déclaration de succession. « Pour la liquidation et le paiement des droits de mutation par décès, les dettes à la charge du défunt sont déductibles de l’actif héréditaire lorsque leur existence au jour de l’ouverture de la succession est dûment justifiée » précise en effet l’article 768 du Code général des impôts. Les dettes qui ne prennent naissance qu’après le décès ne peuvent donc pas être prises en compte, ni les droits de succession engendrés par la succession. La jurisprudence confirme fermement cette règle : « la clause d’un testament prévoyant, en application des dispositions de l’article 1016 du Code civil, que le legs sera payé net de frais et droits n’a d’effet qu’entre les parties et ne saurait être opposé à l’Administration ». Il n’est donc pas possible de déduire de la part successorale d’un légataire soumis-lui-même aux droits de succession, les droits de succession dont la charge lui est transférée par le défunt. A contrario, « cette disposition est totalement indifférente au plan fiscal dès lors qu’il est exonéré de droits de succession ».
Le transfert de la charge de l’impôt n’est pas pour autant considéré comme une libéralité. Aux termes de l’article 750 ter du CGI, les droits de mutation à titre gratuit « ont pour seule assiette la valeur des biens transmis à l’exclusion des droits eux-mêmes ». On ne réintègre donc pas, pour déterminer l’assiette des droits de succession dus par un héritier, le montant des droits de succession que ce dernier doit acquitter. Cette position confirmée par la doctrine n’est pas contestée par l’administration fiscale.
APPLICATIONS PRATIQUES
Le legs particulier net de frais et droits offre diverses possibilités. Etudions successivement le cas où le testateur ne cherche pas à optimiser sa transmission en faveur de ses héritiers, et le cas où, au contraire, il recherche un gain fiscal.
- Le cas « classique »
Prenons l’exemple de Mademoiselle Anne Martin. Sa seule famille est un petit-cousin, Edgar, avec lequel elle entretient de bonnes relations et qui héritera de tous ses biens. Elle a pris soin de rédiger un testament olographe qu’elle a confié à son notaire habituel. Aux termes de ce testament, elle institue pour son légataire universel Edgar.
Le patrimoine de Mademoiselle Martin est estimé à un million d’euros ; elle veut le léguer intégralement à Edgar. Compte-tenu du lien de parenté qui les unit, il devra acquitter 60 % de droits de succession, soit 600.000 €. En faisant abstraction des frais liés au règlement de la succession, il lui restera donc un montant net de 400.000 €.
Afin d’alléger la facture fiscale, Mademoiselle Anne Martin s’adresse à son conseiller qui lui explique le principe du legs net de frais et droits. L’idée d’allier altruisme et générosité, sans pour autant renoncer à son souhait de transmettre à son petit-cousin, la séduit. Elle rédige ainsi son testament : « J’institue pour mon légataire universel l’Institut Pasteur ayant son siège social à Paris, à charge de délivrer net de frais et droits un legs particulier de 400.000 euros à Edgar, mon petit-cousin… ».
La liquidation des droits est la suivante :
Assiette taxable (400.000 € à 60 %) –droits d’enregistrement (de 240.000 €)
L’Institut Pasteur est une fondation reconnue d’utilité publique et, à ce titre, est exonéré de tout droit de mutation par décès par application de l’article 795 4° du CGI.
Ainsi, la fondation reçoit :
360.000 € (1.000.000 – 400.000 – 240.000) et le petit-cousin les 400.000 €.
Comment alléger le montant de droits de mutation à titre gratuit dus par le petit-cousin de Mademoiselle Martin ?
- Cas identique avec legs net de frais et droits au profit d’une fondation
Afin d’augmenter la part à recevoir par le petit-cousin, le legs particulier peut porter sur un montant maximum de 625.000 €. Les droits dus sur cette somme seraient de 375.000 € et l’actif successoral serait alors entièrement absorbé. Il ne resterait donc plus rien pour le légataire universel, l’Institut Pasteur dans notre exemple. Le problème est que l’intention libérale à l’égard du légataire universel est totalement absente.
Il serait, de ce fait, aisé pour l’administration fiscale d’établir l’abus de droit et de remettre en cause tout le montage sur le fondement de l’article 64 du livre des procédures fiscales.
On prendra donc garde à ce que le légataire universel, surtout s’il est une fondation, soit effectivement gratifié d’une somme suffisante. Cela permettrait d’éviter qu’elle refuse le legs et que le successible soit contraint d’acquitter les droits de mutation à titre gratuit sur sa part successorale.