Bienvenue sur ce nouvel épisode de notre podcast « Dans l’oreillette », un format exclusivement dédié à la Gestion Privée et Gestion de Fortune. Aujourd’hui nous retrouvons Jonathan Donio, Directeur Général Délégué d’Eternam, dans ce nouvel épisode sur les effets de la baisse des taux sur le marché de l’immobilier.
Animateur : On lit dans les journaux que les taux baissent et que c’est bon pour l’immobilier. Peux-tu nous expliquer pourquoi ?
Jonathan Donio : Si tu me le permets, je voudrais commencer par rappeler que c’est la Banque Centrale Européenne qui fixe les taux, c’est-à-dire le coût de l’argent. Quand il y a trop d’inflation, il faut refroidir le moteur en rendant l’argent plus cher : la BCE a augmenté ses taux en les passant de 0 à 4,5% entre juillet 2022 et septembre 2023, le mouvement a été historiquement brutal et d’une très grande ampleur… mais l’inflation européenne avait dépassé les 10% ! La Banque Centrale a maintenu ce niveau de taux jusqu’en juin de cette année, et le remède a fonctionné. L’inflation a reculé, elle revient proche des 2%, ce qui est l’objectif de la BCE. C’est pourquoi elle baisse à nouveau ses taux directeurs.
Alors pourquoi ces variations de taux impactent-elles le marché de l’immobilier ?
J.D. : D’abord parce qu’en rendant l’argent plus cher, la Banque Centrale oblige les banques commerciales à nous prêter de l’argent à des taux plus élevés. Que ce soit un particulier pour acheter son appartement, ou une entreprise pour acheter ses locaux, ils vont payer leur dette plus chère. Ce qui poussera les vendeurs à baisser leurs prix, pour ne pas surendetter l’emprunteur.
Cela signifie que la baisse des prix de l’immobilier qu’on a vécu ces deux dernières années est uniquement due à ce phénomène ?
J.D. : Pas seulement ! L’autre conséquence directe de ces taux élevés concerne surtout le marché de l’immobilier d’entreprise, qu’on appelle l’immobilier tertiaire : tous les locaux utilisés par des entreprises commerciales, quelles qu’elles soient : bureaux, locaux d’activité, commerces de centre-ville, galeries commerciales, entrepôts logistiques, etc… Dans ce marché, il y a beaucoup d’investisseurs institutionnels : des assureurs, des mutualistes, des fonds de pension ou de retraite, et toutes sortes de fonds immobiliers d’investissement, comme par exemple les SCPI.
Eh bien, ces acteurs de l’économie immobilière ne décident d’investir qu’en fonction du rendement qu’ils peuvent espérer. Donc, s’ils exigent 5% sur un immeuble dans lequel le locataire paye 5€ par an, ils accepteront de le payer 100€.
Mais s’ils veulent 10% par an, avec ce même immeuble et donc ce même locataire, alors leur prix sera de 50€ seulement.
Donc quand les rendements exigés augmentent, cela fait baisser les prix.
Mais pourquoi un investisseur exigerait-il 10% de rendement alors qu’il se contentait de 5% quelques mois plus tôt ?
J.D. : Pour rémunérer son risque. Je m’explique.
Lorsque les taux de la Banque Centrale étaient à 0, voire négatifs, souvenez-vous, l’obligation d’Etat, c’est-à-dire le placement sans risque, rapportait également 0. Pour rémunérer le risque qu’il prenait en choisissant d’acheter de l’immobilier plutôt qu’une obligation d’Etat, l’investisseur exigeait des rendements plus élevés, par exemple 3% dans le centre de Paris pour un immeuble très bien placé et très bien loué. Ces 3% constituaient sa prime pour rémunérer le risque pris.
Et lorsque l’argent placé sans risque rapporte 3 à 4%, comme il y a encore quelques mois, alors là, l’investisseur ne demande plus 3% de rendement sur son immeuble mais plutôt 4 ou 5%.
Donc, la hausse du coût de la dette d’un côté, et la hausse des rendements exigés de l’autre : ce sont ces deux phénomènes qui ont fait baisser les prix.
Mais depuis juin, tu nous as dit que les taux baissaient de nouveau, ça veut dire que les prix vont remonter ?
J.D. : Oui, mais nous ne sommes pas en Bourse. L’immobilier est plein d’inertie. Il faut d’abord que l’argent circule de nouveau dans ce marché, c’est la condition sine qua non, et elle prend du temps. Donc oui, les valorisations des immeubles vont remonter, et en attendant, c’est bien sûr le moment de faire des acquisitions à très bon prix.
En fait, depuis le début de cette année 2024, les fonds immobiliers les plus agiles peuvent saisir de formidables opportunités, la fenêtre est historique mais elle demande… je dirais trois qualités essentielles :
D’abord de la prudence : les vendeurs ne se séparent pas toujours de leurs plus beaux actifs, sauf s’ils y sont vraiment contraints. Il faut donc bien comprendre pourquoi l’immeuble est en vente.
Ensuite, il faut être rapide, et donc avoir un circuit de décision le plus court possible.
Et enfin, il faut disposer de cash pour limiter le recours à la dette : la négociation de la dette bancaire prend du temps et elle est encore assez coûteuse.
Donc, si vous réunissez ces trois ingrédients, alors, votre fonds immobilier engrange des actifs à haute performance : parce que votre plus-value potentielle est élevée, et votre rendement l’est également.
Les fonds les plus récents du marché sont donc, pour cette principale raison, très attractifs.
On comprend donc que c’est le moment de revenir sur l’immobilier. Vers quels types de fonds vaut-il mieux aller ?
J.D. : Tout dépendra de sa stratégie… S’il s’agit de développer le compartiment immobilier qui donne des revenus, alors on ira construire un portefeuille de plusieurs SCPI qui réservera une place importante aux nouvelles SCPI, celles qui saisissent les opportunités de marchés qu’on vient d’évoquer.
Si en revanche, c’est le compartiment capitalisant qu’il s’agit de développer, celui qui se donne comme objectif de créer du capital à terme, sans revenus immédiats, en prenant un risque plus élevé, alors il faudra regarder les fonds dits opportunistes, ceux qui sont conçus pour profiter de ce cycle exceptionnel et ressortir dans 5 ou 7 ans, avec une belle plus-value.
Jonathan Donio
Directeur Général Délégué d'Eternam
jdonio@eternam.fr