Bienvenue sur ce nouvel épisode de notre podcast « Dans l’oreillette », un format exclusivement dédié à la Gestion Privée et Gestion de Fortune. Aujourd’hui nous retrouvons Mathilde Faure, Ingénieure Patrimoniale chez Cyrus, dans ce nouvel épisode consacré au régime matrimonial du chef d’entreprise.
Animateur : il est vrai que le régime matrimonial du chef d’entreprise est déterminant, d’autant plus qu’il se trouve à la croisée du droit patrimonial de la famille et du droit des affaires. Est-ce que tu pourrais nous en dire un peu plus Mathilde ?
Mathilde Faure : Oui tout à fait. Il convient de rappeler qu’au-delà du régime matrimonial choisi, qu’il soit légal ou conventionnel, les époux seront soumis à un régime primaire. Ce régime primaire socle commun fixe notamment la contribution des époux aux charges du mariage ou la cogestion des droits sur le logement de la famille. Ensuite, chaque régime matrimonial va régir de façon variable l’indépendance de gestion, l’absence de responsabilité aux dettes, ou le partage de l’enrichissement ; et bien que la loi offre une grande liberté dans les conventions matrimoniales, on s’aperçoit que les époux s’écartent en général assez peu du régime légal qui est la communauté réduite aux acquêts.
Néanmoins, les époux doivent avoir conscience qu’ils disposent d’une liberté étendue et évolutive dans le choix et l’aménagement du régime matrimonial le mieux adapté à leurs préoccupations.
Peux-tu nous donner davantage de détails sur le régime légal ?
M.F. : Dans le régime légal, lorsqu’un époux crée ou acquiert une société pendant son mariage, tous les revenus provenant de son activité tombent dans la communauté. La valeur des titres de la société de cet époux sont communs, mais seul cet époux chef d’entreprise a la qualité d’associé, ce qui signifie que lui seul peut exercer les droits de vote aux assemblées. Ainsi, en cas de divorce, cet époux devra 50 % de la valeur de la société à son conjoint.
Enfin, chaque époux commun en biens dispose d’une liberté de gestion sur leurs patrimoines respectifs. Ils ont en effet la possibilité de faire une déclaration de remploi afin de maintenir le caractère propre ou alors de s’abstenir de ces formalités, « en connaissance de cause » afin d’accroître la masse commune. C’est donc en fonction de ces différentes préoccupations, que l’époux chef d’entreprise va davantage être guidé par le choix d’un régime séparatiste.
Au vu des risques pris par l’entrepreneur sur le patrimoine de la famille, devons-nous considérer que seul un régime matrimonial séparatiste est la solution, en partant du postulat que c’est le plus protecteur du patrimoine des époux ?
M.F. : On peut dire que la séparation de biens constitue la pierre angulaire du régime matrimonial considéré comme protecteur pour le chef d’entreprise. Il s’agit d’un régime qui, par nature, attribue la propriété du bien à celui qui l’acquiert et du point de vue de sa responsabilité patrimoniale, l’époux chef d’entreprise engage seulement ses revenus et ses biens personnels. Ainsi, le gage des créanciers ne portera que sur ses biens personnels.
Ce régime offre donc une double protection :
- À la fois celle du conjoint, sauf à ce que des créanciers sollicitent une caution personnelle et solidaire.
- Et à la fois, celle du chef d’entreprise dans le cas d’un éventuel divorce, de succession ou de famille recomposée.
Quel est l’inconvénient de ce régime ? Et existe-t-il un moyen de le corriger ?
M.F. : La limite de ce régime séparatiste est de ne pas faire profiter le conjoint de l’accroissement de la valeur du patrimoine du couple via l’entreprise car celle-ci est un bien propre de l’entrepreneur.
Il est toutefois possible de corriger ce déséquilibre et d’accroître la protection du conjoint en complétant ce régime par d’autres mesures. On peut citer par exemple :
- la donation de biens présents entre époux, où un époux peut donner jusqu’à 80 724 € à son conjoint sans fiscalité,
- une donation au dernier vivant qui offrira au conjoint survivant un large choix au décès de son époux,
- ou alors, l’adjonction d’une bulle de communauté au sein d’un régime séparatiste pour certains biens identifiés.
Cette dernière option est intéressante car cette clause permet de créer un espace de communauté accolé au régime séparatiste, permettant de rééquilibrer le patrimoine du conjoint. Enfin, si le couple envisage à terme de transmettre à leurs enfants une partie de l’entreprise, cet aménagement sera profitable car le conjoint non exploitant pourra également donner aux enfants.
Je suis entrepreneur, que se passe-t-il si le régime matrimonial choisi ne répond plus à mes besoins ?
M.F. : Il est tout à fait possible d’adapter le régime matrimonial de l’entrepreneur selon les moments de sa vie. Le chef d’entreprise connaît en effet des besoins patrimoniaux différents, selon qu’il s’installe, qu’il développe son entreprise ou lorsqu’il souhaite la transmettre.
Le régime matrimonial initialement choisi peut donc ne plus répondre aux besoins de protection de la famille et de l’époux. Par exemple, en phase de cession ou lorsque les risques liés à la pérennité de l’entreprise ont disparu, un changement de régime matrimonial pour adopter un régime communautaire peut être préconisé.
Mathilde Faure
Ingénieure Patrimoniale chez Cyrus
mathilde.faure@cyrusconseil.fr